Raison-d'être :

Le ciel mauvâtre cherche à parler.

mardi 29 juin 2010

Toronto 2010 ou la dictature

Si vous vous constituez en dictature,
C’est que nous dérangeons

Vous savez, avec vos enlèvements,
Que vous n’êtes qu’une mafia
Qui défend ses activités
Par les armes

Certains d’entre nous n’ont pas été asservis
Par la télé et l’apathie
Vous avez échoué !

Vous tentez de nous casser
Dans vos prisons :
Chili, Argentine, Allemagne, Chine, Panama, Canada, même combat !

Si nous sommes une menace,
C’est que nous avons raison.

Et malgré vos tentatives de pervertir le langage
De mélanger violence et expression
Sur l’autel du respect de la propriété
Nous saurons réapprendre à parler !

Nous avons lu Orwell.

Pas vous.

Bande d’ignares.

Nous savons très bien ce qui s’en vient : écoute, fichage, répression, enlèvements, torture, culture de la peur, délation.

À Toronto, vous avez dit :

Nous jouerons cartes sur table !!

Et bien, nous jouerons aussi cartes sur table.

Nous sommes tous conspiratrices et conspirateurs à partir d’aujourd’hui.

Nous viendrons à bout du capitalisme.

À la suite de Paul-Émile Borduas, nous dirons :

« À l’occident de l’histoire, se dresse l’anarchie, comme la seule forme sociale ouverte à la multitude des possibilités des réalisations individuelles. Nous croyons la conscience sociale susceptible d’un développement suffisant pour qu’un jour l’homme puisse se gouverner sans police, sans gouvernement » (La transformation continuelle).

Allez vous faire foutre. Nous gagnerons et nous mourrons. De toute façon, ça a peu d’importance. Nous gagnons les deux fois.

mercredi 21 avril 2010

Compte-rendu : Beaucage, Pierre et le Taller de Tradicion Oral. Corps, cosmos et environnement, Lux, Montréal, 2009.




L’ouvrage, à première vue, peut paraître n’être qu’une monographie comme une autre dans la littérature anthropologique. Il en est tout autrement : la densité de Corps, cosmos et environnement est telle qu’on peut presque y voir une nouvelle forme d’écriture, mais surtout de pratique anthropologique. Densité temporelle, d’abord, en raison des décennies de travail entre l’anthropologue et les Nahuas de la Sierre Norte de Puebla (Mexique). Densité humaine, ensuite, car derrière la présentation des conceptions autochtones sur le corps, l’environnement et le cosmos, le lecteur trouve des hommes de chair et d’os, des amitiés et de profonds liens d’humanité. On est bien loin de Malinowski et de ses ethnographies colonialistes, alors que l’anthropologue ne s’investissait pas humainement, politiquement et scientifiquement dans le terrain. Corps, cosmos et environnement est le fruit d’une collaboration entre Pierre Beaucage et le Taller de Tradicion Oral, un organisme composé de Nahuas et de quelques non-autochtones voué à la revitalisation de la culture locale (langue, agriculture, cosmologie et légendes). Le livre nous donne accès à ce que Beaucage nomme « une manière toute particulière de conduire les rapports avec les humains et les êtres de la nature », en somme l’ « être-au-monde » des Nahuas.

D’entrée de jeu, Beaucage nous informe sur son parcours d’anthropologue : à peine diplômé, il quitte déjà pour des terrains éloignés (la Miskitia, Honduras), passionné qu’il était d’anthropologie économique et de luttes paysannes. Il travailla ensuite dans l’État de Puebla, au Mexique, où il prit conscience des difficultés historiques des paysans autochtones à s’organiser et à survivre. Les cours du café, les accords économiques néolibéraux et le racisme institutionnel ont eu et ont toujours des effets très important dans le rapport des communautés autochtones avec la société mexicaine. Beaucage arrive à San Miguel Tzinacanpan, Puebla, à un moment où les Nahuas « veulent devenir les sujets de leur propre histoire autant que de leur propre politique ». C’est donc dans une recherche participative, entre les Nahuas et l’ethnologue, que s’insèrera son anthropologie, d’ailleurs très inspirée des recherches en ethnoscience (ethnobotanique, ethnogéographie). Le focus scientifique s’axe alors sur la linguistique et les catégories taxinomiques autochtones. Nous apprenons l’existence, de façon approfondie, des plantes, parties du corps, maladies, éléments géographiques, animaux et bêtes surnaturelles nahuas. Car les Nahuas, ici, ne sont pas l’objet d’une monographie mais bien les sujets.

Beaucage et le Taller orientent le lecteur tout au long de l’ouvrage dans une trame historique, celle d’une histoire populaire (c.f. Howard Zinn). Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’ils écrivent leur propre histoire ? On perçoit les conséquences, par exemple, du travail agricole latifundiste et de l’effondrement des cours du café sur la vie des gens, mais nous sommes aussi témoins du développement d’une agriculture intensive qui ne soit plus autant dépendante des cultures d’exportation. Dans une caféière, par exemple, on en profitera pour planter des dizaines d’espèces médicinales ou alimentaires, fruits d’un savoir ancestral qui est revitalisé après avoir été mis de côté par pure nécessité. La polyculture chez les Nahuas, y apprend-on, est en partie fonction du retrait de l’État et de la crise du café des années 90.

À travers cette trame historique Beaucage et le Taller nous renseignent en profondeur sur les catégories taxinomiques nahuas, qui doivent être comprises en-dehors d’une vision dichotomique unique, comme celle qui prévaut dans le système de classification linnéen (de Carl Von Linné, 1707-1778). Exemple de cette autre épistémologie, si l’on peut dire : la langue nahuat regroupe les végétaux à la fois en fonction de leurs traits morphologiques et de leur utilité. Pour Beaucage, c’est là un exemple de ce que Bourdieu nommait la logique pratique, soit « le sacrifice de la rigueur au profit de la simplicité et de la généralité ». Dans la cosmologie, c’est sensiblement le même principe : on retrouve trois systèmes de classification simultanés : taxinomique, analogique et pratique. La nature et l’univers sont perçus du point de vue de l’homme, qui ne s’insère pourtant pas en position hégémonique dans cette métaphysique. Le corps et le cosmos sont mis en analogie, traversés par les mêmes divisions fondamentales (« froid » et « chaud »). La médecine nahua, dans cet espace, cherche à « rétablir l’ordre menacé entre la personne et le cosmos ». Le monde est complexe et l’homme n’en est pas le maître absolu.

Corps, cosmos et environnement s’inscrit dans le projet plus vaste d’une « récupération des connaissances autochtones [qui] soit le fait des organisations autochtones elles-mêmes et [qui] serve, de façon matérielle et symbolique, à la réappropriation de leurs conditions matérielles d’existence, dimension essentielle du processus actuel d’autonomie ». Un processus qui n’est pas étranger à ce que les Zapatistes tentent de faire au Chiapas avec leurs gouvernements locaux, les Juntas de Buen Gobierno. Ces projets d’autonomie ne peuvent être que renforcés par des œuvres comme Corps, cosmos et environnement, qui sont réalisées dans le respect et la fraternité. L’ethnologie, comme dit David Graeber, peut être un outil puissant de rencontre et d’apprentissage mutuel pour créer un monde autonome et libre d’exploitation.

Julien Simard, Petite musique pour temps de crise

mercredi 17 mars 2010

mercredi 10 mars 2010

L'homme droit

"Plus rien ne va pour vivre comme un homme droit" Vissotski

Impossible d'établir ce que le monde est devenu
Impossible de comprendre quelle place y occuper
Impossible de savoir comment se diriger, de ne plus boire, ne plus fumer

La neige brune
Tachée par l'huile des hommes,
A l'éclat terne du soleil mort
Avant sa date de péremption

Et nos pas
Ne semblent pas saisir la gravité
De la situation

La gravité qui vraiment n'est plus
Que la seule option

Nous sommes des petites hommes frêles
Qui puent l'alcool
Derrière le fil et le poteau
Ce sont les maisons ou l'on cherche
La vie
Mais on n'y trouve que le temps
Emboîté et électroménagé
Triste et guillotinant
De sa précise digitalité ;
Un scalpel au coeur troublant.

Le mensonge qui porte à portes
Ne fut qu'une arme
Pour nous diviser

Le festin gras continue dans le sang.

Celui des frères qui ont préféré partir
que de choisir
de porter un costume.

Le festin gras continue dans le sang

Le désir de vivre sacrifié
En dépressions et réhabilitations
Pour que Bell soit puissante sur les marchés.


dimanche 28 février 2010

Vacio

Sans doute
Sans doute
Sans aucun doute !

Le vide nous rappellera
Qu'il est là.

Il n'a pas besoin de maîtres

Pour ne-pas-être.


vendredi 26 février 2010

Quelqu'un a empoisonné l'hiver
Lui qui était grand et beau
N'est plus qu'un linceul sur des vitres d'auto
Petite pluie et fonte du peu de pays qu'il y avait ici
Déclarons l'établissement européen en Amérique un échec :
Avons-nous su aimer cette terre ?